Les derniers évènements sanitaires ayant frappés l’Europe (COVID-19 / Mars 2020) soulèvent de nombreuses interrogations et la réorganisation de notre système sanitaire. Hormis ce secteur essentiel, une transformation plus grande semble aussi nécessaire : le système économique et industriel. Ainsi, 3D SKULT a décrypté les différents modèles économiques existants : sont-ils pérennes ? Comment s’adapter ? Doit-on revenir à un mode de fonctionnement plus ancestral ?
De manière simplifiée, et pour une meilleure compréhension de notre raisonnement, nous allons décrire trois systèmes économiques : l’économie linéaire, l’économie du recyclage et enfin l’économie circulaire.
LE SYSTEME LINEAIRE
Le système d’économie linéaire, comme son nom l’indique, suit un trajet rectiligne qui débute à la fabrication d’un objet et termine à la destruction de cet objet. Ainsi, il est aisément compréhensible que le facteur principal de ce système est la « durée de vie ». En effet, plus un objet a une longue durée de vie, moins le nombre de déchets générés sera dense et vice versa, plus sa durée de vie est courte et plus la quantité de déchets sera importante. D’un point de vue écologique, même si ce modèle n’est pas idéal, il pourrait être satisfaisant si l’ensemble des biens de consommation étaient à haute durée de vie.
Sur le papier, pourquoi pas ? Mais dans la réalité, c’est bien différent. En effet, un bien ayant une longue durée de vie signifie que le nombre de ventes suivra un « pic » à la sortie du produit, puis s’essoufflera rapidement une fois l’engouement d’achat terminé. Pourtant, afin de développer et créer ce produit, il existe une structure ou une entreprise à financer et faire tourner. Couplé au modèle économique cela signifie que le système linéaire appliqué à des produits à longue durée de vie n’est pas compatible avec un élément essentiel de la santé d’une entreprise : la pérennité.
Alors, pour stabiliser ce modèle et augmenter sa rentabilité, les acteurs industriels ont tout simplement réduit la durée de vie des biens produits, introduisant deux nouvelles disciplines : le marketing et l’obsolescence programmée. Ces sujets feront l’objet d’articles dédiés prochainement.
Une des meilleures illustrations de ce propos réside dans un bien de consommation insoupçonné : le bas nylon ! En 1937, la firme Dupont de Nemours dépose le brevet d’une fibre textile particulièrement résistante et quasiment inusable : le nylon (ou polyamide). En effet, ces bas nylons pouvaient être utilisés afin de remplacer une courroie de distribution de voiture ! Très rapidement les consommatrices réservent aux premiers bas nylon un succès fulgurant qui fait vite réfléchir les commerciaux : inusable = durable = non renouvelé = perte de profits. La formule chimique sera alors rapidement modifiée afin de fragiliser le tissage. Depuis, les bas nylons ont aujourd’hui une durée de vie de quelques utilisations et filent très vite à la poubelle.
Mais comment justifier ceci aux yeux du grand public ? C’est là qu’intervient le marketing ! Evidemment, la marque aux 3 lettres qui commercialise ces produits ne pouvait décemment pas dire que fabriquer des produits à haute durée de vie était une erreur de leur part et diminuait leur rentabilité. Ainsi, ils ont adopté la stratégie du pouvoir d’achat : « Nos produits sont tellement résistants et fabriqués avec tellement d’amour que leur prix va devoir drastiquement augmenter. Ainsi, nous préférons fabriquer des produits de qualité moindre et donc moins chers afin de rendre service à votre pouvoir d’achat. »
L’obsolescence programmée venait de naître.
Si l’on regarde du côté oriental du globe, le modèle chinois assume parfaitement ce système. En effet, l’industrie chinoise produit des objets à faible durée de vie, en masse, et à faibles prix. La pérennité de ces entreprises est assurée par la pluralité de produits fabriqués. Ainsi, un fabricant de produits chinois peut aussi bien fabriquer des clés USB que des colliers bonbons ou bien des t-shirts. Un autre paramètre non négligeable est la philosophie économique et le contexte socio-économique de ce pays, que nous n’aborderons pas ici afin de ne pas surcharger la démonstration.
LE SYSTEME ECONOMIQUE DU RECYCLAGE
Le système linéaire connaissant son âge d’or, certains analystes et économistes ont vite réalisé que la gestion des déchets deviendrait un problème majeur à moyen terme. C’est ainsi que dans les années 1970 apparaît la notion de recyclage avec son petit logo vert, portant le nom de ruban de Möbius.
Le recyclage est un procédé de traitement des déchets issus de produits arrivés en fin de vie, permettant de réintroduire certains de leurs matériaux dans la production de nouveaux produits au sein d’une même chaîne de fabrication (cette notion est importante). A l’époque, les forêts sont en souffrance et la quantité de bois diminue de manière inquiétante, au profit de l’industrialisation de masse en plein essor. Ainsi, le produit pionnier du recyclage fut le papier. Le papier est produit, utilisé, jeté puis récupéré, traité et re-fabriqué. Non seulement la durée de vie du produit est courte, les fréquences d’achat élevées car les e-mails n’existent pas encore et les correspondances se font uniquement par courrier, et le prix de la matière première « neuve » flambe car il s’agit d’éviter, et à juste titre, la déforestation. Il est donc aisé de penser que tout le monde y retrouvait son compte finalement : la matière première coûte moins cher car issue du recyclage, la courte durée de vie est compensée par un taux de déchets réduits, et les forêts ont le temps de se reconstruire. Et bien en fait non car à l’époque, les coûts de retraitement et de recyclage étaient supérieurs aux coûts de la déforestation. Ainsi, les entreprises qui ont joué le jeu du recyclage sont celles qui portaient réellement des valeurs écologiques dans leur politique.
Depuis les années 1970, les méthodes de fabrication ont évolué, les consciences également et aujourd’hui, le recyclage est bien moins coûteux (d’un point de vue industriel) et a même été imposé par la législature européenne concernant nombreux biens de consommation (canettes aluminium, papier, …)
Il existe un « mieux » mais la production de déchets est toujours présente, et malgré cela, le système s’enrayera à terme.
LE SYSTEME CIRCULAIRE
L’objectif de ce modèle économique est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et le gaspillage des ressources ainsi que la production des déchets. Vous l’aurez compris, il s’agit ici de rompre totalement avec le modèle de l’économie linéaire précédemment décrit. L’émergence de la notion de « circulaire » fait suite à la prise de conscience de la limitation des ressources naturelles et du besoin de les préserver.
Ainsi, comment adapter les systèmes actuels pour tendre vers un idéal ne produisant pas ou peu de déchets, tout en garantissant une durée de vie étendue aux objets fabriqués ?
En utilisant les fondations du système de l’économie de recyclage, c’est ici que la notion d’utilisation de matière recyclée au sein d’une même chaîne de production devient importante. En effet, recycler le papier pour produire du papier ou recycler les canettes pour produire des canettes c’est bien mais si l’on croise maintenant les possibilités, alors on les augmente !
Par ce principe, l’aluminium issu des canettes peut être utilisé pour fabriquer des tringles à rideau ou même des pièces détachées pour une tondeuse. La durée de vie des objets est augmentée mais elle ne dépend pas nécessairement du savoir industriel mais de la conscience collective. Ce système à terme permet de réduire la quantité de déchets à un seuil proche de zéro : c’est l’émergence du Zéro Déchet.
Un système idéal ! Oui, mais ce système dépend grandement d’un seul facteur : la conscience collective. Pour que cette économie devienne la référence, les acteurs majeurs deviennent les consommateurs. La notion de « durabilité » doit être intégralement revue : un objet qui ne fonctionne plus n’a plus pour seule destinée la poubelle, mais il peut être réparé, conservé ou transformé. Ces choix dépendent de vous et de ceux qui peuvent vous accompagner. Les réseaux de réparateurs doivent aussi s’adapter. En effet, si le système de réparation consiste aujourd’hui à commander une pièce défectueuse pour la remplacer, alors on retourne à un mode de fonctionnement linéaire d’achat, utilisation, déchet. Transformer une autre pièce pour réparer un objet devient alors la clé.
A ce jour, concernant les biens et équipement de consommation, la transition n’est pas totalement établie mais ses prémices commencent déjà à se faire ressentir.
Chez 3D SKULT nous recevons un nombre de plus en plus important de personnes souhaitant réparer leurs objets en re-fabriquant la pièce détachée introuvable grâce aux technologies numériques d’impression 3D (évoquées dans un précédent article), usinage, découpe laser ou thermoformage. Alors oui, vous aurez raison de penser qu’en quelques lignes toute la démonstration précédente est anéantie car quelque part nous combattons le système linéaire en revenant au système du recyclage, permettant de réduire la quantité de déchet, mais pas forcément en allant vers le circulaire. La révolution opère petit à petit car nous développons d’ores et déjà des solutions pour intégrer le circulaire dans nos process. En effet, concernant l’impression 3D par exemple, la matière première est un filament de plastique. Ainsi, nous sommes actuellement en phase de développement d’un système permettant la fabrication de filament plastique basée sur la récupération de bouteilles. Le constituant de ces bouteilles est le PET, qui est une matière grandement utilisée en impression 3D. Petit plus, ceci est développé avec une entreprise située à quelques dizaines de kilomètres de nos ateliers, créant ainsi un circuit court.
Concernant les professionnels, lors de nos collaborations concernant le développement de produits ou de chaînes de production, nous intégrons systématiquement les notions d’éco-responsabilité et de durabilité des produits, dès la phase de conception. Ceci se traduit par la conception de systèmes ayant des pièces détachées ou d’usure dites « standard » et d’accès facile de manière à privilégier la réparation plutôt que la mise au rebut.
En conclusion, il apparaît de plus en plus évident que le système économique linéaire arrive à bout de souffle et n’est aucunement adapté aux impératifs écologiques et économiques nécessaires à la préservation de notre environnement. Le recyclage est une mesure préventive mais pas curative. Le circulaire est l’idéal vers lequel tendre et dépend de chacun de nous.
Révolution industrielle, changement des consciences, préservation du bien commun : ce sont les nouvelles fondations du monde de demain…